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Souvenirs de la libération de Forest vécue par une jeune habitante
  En cette fin du mois d’août 1944, je venais d’avoir onze ans.
Mes parents qui, comme d’autres habitants du village, avaient été contraints durant l’occupation de loger des militaires allemands, venaient de voir ces derniers partir de la ferme.
C’était sans nul doute un signe. Ils sentaient que cette période allait prendre fin, sentiment renforcé par les informations diffusées par Radio-Londres. Paris avait été libéré le 25 août, les Américains se dirigeaient vers Cambrai d’une part, vers la Belgique d’autre part, et le bruit courait que Le Cateau, tout proche, demeurait au sein d’une « poche » de résistance allemande. 
Depuis quelques semaines, la nervosité de l’occupant nous contraignait à rester chez nous.
Les convois de la Wehrmacht en retraite passaient, jour et nuit, en colonnes interminables. Les panzers faisaient un « boucan » assourdissant. Ils empruntaient principalement la Chaussée Brunehaut, mais aussi d’autres routes, se dirigeant, semble-t-il, vers Valenciennes ou Bavay. Ils utilisaient toutes sortes de véhicules en réquisitionnant au passage tout ce qui pouvait rouler. Entre les villages, les avions américains mitraillaient cette « forêt motorisée ». Pour tenter d’échapper à l’œil vigilant des aviateurs, les camions étaient camouflés sous des  branchages et les soldats souvent habillés d’une tenue qui les faisait ressembler à des caméléons humains.
Cette retraite se transformait en véritable débâcle. Du reste, les jeunes allemandes appelées trivialement les « grisettes » ou « souris grises » qui travaillaient dans l’important centre d’écoute et de transmission voisin, bâti à l’écart du village de Croix-Caluyau, à proximité du « carrefour de l’abattoir » étaient parties. Le bruit courait qu’elles en avaient reçu l’ordre. Seuls les soldats étaient restés sur place. Ils firent « sauter » les installations dans la soirée du 30 août.  
Le dimanche 3 septembre, tôt le matin, après une nuit calme, une forte explosion secoua le village. Les Allemands s’étaient débarrassés des munitions entreposées dans un hangar de la ferme d’Aimé Pruvot, située en bordure de la Chaussée Brunehaut.
Dans la matinée, le calme revint, faiblement troublé par le passage des dernières troupes allemandes venant du Cateau par Montay et surtout par Richemont.
En début d’après midi, des habitants du village qui s’étaient hasardés jusqu’aux environs de Landrecies, revinrent tout excités en hurlant « les Américains  sont arrivés » !

La nouvelle tant attendue se répandit vite et la population, dont nous faisions partie, sortit de chez elle, bravant les risques d’éventuelles représailles de « fuyards allemands », pour attendre les libérateurs au bord de la Chaussée Brunehaut. Malgré les mises en garde, un grand drapeau « bleu blanc rouge » fut déployé à la fenêtre d’un café. Notre attente ne dura pas trop longtemps. Sous les acclamations, les premiers chars américains pénétrèrent dans le village par la rue du Moulin, venant de Vervins, après avoir franchi la Sambre via Le Pommereuil et s’arrêtèrent sur la place de la mairie.
Là, ils furent accueillis par le maire Benoît Obled et une grande partie de la population.  On vit même des civils, souvent des jeunes filles, prendre place sur la tourelle aux côtés des militaires.
 


C’était le grand jour que nous attendions, ivres de joie, nous nous embrassions les uns les autres sans oublier les « G.I. ». Les scènes de liesse se succédèrent et chaque famille cueillit des fleurs dans son jardin pour les offrir aux libérateurs. Nous admirions tous et toutes, ces soldats, grands gaillards d’apparence sportive, chaussés de « rangers », portant des casques en forme de globe, jugulaires plus ou moins bien ajustées.
En fin de journée, mon père découvrit quatre allemands cachés dans le foin dans une annexe de la ferme située en bordure de la Chaussée Brunehaut. Ils se rendirent sans résistance et furent conduits à la mairie où s’était installé provisoirement un petit poste de commandement.
Dès le lendemain, le gros des troupes américaines traversa le village et ce durant plusieurs jours, nous les regardions passer… heureux certes, mais en outre contents de récupérer des paquets de « chewing-gum »que nous découvrions, ainsi que des tablettes de chocolat dont nous avions été privés et que les « G.I. » nous lançaient au passage.
L’époque de la terreur de l’occupation était enfin terminée. Finies les réquisitions inopinées de produits de la ferme par la Wehrmacht, auxquelles il était difficile, voire hasardeux de résister.
Nous pouvions enfin sortir dans les rues, jouer, chanter et même danser pour les plus grands…


Georges Broxer (d’après les souvenirs de Christiane Samin-Preux)